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mardi 16 février 2010

2.

"An apple a day", une pomme par jour.
Ma mère me disait toujours ça. Ironiquement c'est ce qui l'a tué. Après trente ans de pommes quotidiennes je lui ai arraché ses quelques dents et l'ai étouffée avec une de ces satanées pommes. Je suis au pénitencier de Hyde Valley et chaque jour je m'en bouffe une en sa mémoire. "Une pomme par jour", la dernière phrase de ma mère. Si on excepte les hurlements et supplications incompréhensibles qui ont suivis.
C'était une brave femme. Troisième enfant d'une famille de cinq filles, elle n'a pas existé avant son diplôme de littératures anglo-saxonnes. Première, l'unique fois où elle a pu l'être. Ensuite ça a été moi le premier. Et le dernier aussi.
Elle a fait l'erreur d'être séduite par mon père. C'est lui qui m'a tout appris. Sans lui ma mère aurait encore toutes ses dents. A peine aurais-je pu la griffer ! Une vraie mauviette.
Je ne sais pas à quoi ressemblait ma mère avant mon père. Je l'ai toujours connu timbrée mais pour être major de promo, elle devait bien en avoir dans le ciboulot. J'essaye de l'imaginer en train d'impressionner son monde, de rouler des fesses en dissertant sur Shakespeare mais tout ce que je vois c'est mon père qui pisse par terre pendant qu'elle nettoie.
La première fois que mon père m'a emmené me battre c'était contre un vieux. On le dérouille et on lui pique sa télé. Cette fois là aurait pu tout changer. Avec ma lèvre fendue et mes hématomes, j'ai réveillé ma vieille mère. Elle a jeté mon paternel à la rue et on l'a plus revu pendant au moins une semaine. Mais il faut croire qu'elle pouvait pas se passer de lui, qu'un orgasme était plus important que la moralité de son fils. J'ai vite compris que je pouvais pas lutter contre mon père et son engin. 
Moi aussi j'en ai un d'engin, et j'ai vite appris à m'en servir. Mais ça marche pas avec sa mère ce genre de truc. Quand je vois comme ma mère a laissé aussi facilement tomber ma bonne pomme (elle est bonne celle là!), je me dis que c'est ce jour là que j'aurais dû lui briser les dents.
Après, ça a été la fond du fond, le trou du caniveau. J'allais de vols en agressions comme de pute en pute jusqu'à arriver à tuer ma maman.

Et dire que j'y ai cru à ce fichu dicton... "An apple a day keeps the doctor away". Qu'on écrive ça sur ma tombe tiens!

John T. Randall
Exécuté par injection létale

2 commentaires:

  1. Pfff je crois bien que tu déchires !
    Alors tout d'abord je voulais t'informer que ce coup-ci j'avais tout compris... si si je te jure.
    J'adore le côté irrevérencieux et le petit côté américain mais ça tu devais t'en douter.
    Le style dépouillé est très bon. Que dire de plus à part que c'est fini ma pomme par jour.
    PS : Petite faute de frappe sur le dernier dicton ;-)

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  2. Yeah J. girl. Grave le côté américain ça te rappelle tes origines je sais bien.
    J'ai rectifié le tir sur le dicton. All is good now!

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